lundi 15 mars 2010

Le vide est plein.

Les inégalités de Heisenberg sont relativement connues de tous, mais plus particulièrement sous la forme dite du principe d'incertitude ou d'indétermination, et notamment la relation entre position et impulsion d'une particule. Ainsi, ce principe est vulgarisé souvent de la manière suivante : "il est impossible de connaître à la fois la position et la vitesse d'un objet de manière précise" en oubliant de préciser qu'il s'agit d'un "objet" quantique. Cette indétermination n'est pas liée à l'état de nos connaissances (en l'espèce 1927) mais bien à un "empêchement conceptuel" : nous dirions aujourd'hui à une rupture de lois, à un changement de niveau de réalité.

Ainsi, le concept d'espace des phases de la mécanique classique comme espace des couples (position, impulsion) d'une particule est invalide. Les variables sont des observables décrites par des opérateurs agissant sur des espaces de dimension infinie. Or, l'opérateur position et l'opérateur impulsion ne commutent pas (AB-BA ≠ 0) : on ne peut simplifier les équations corrélées : on ne pourra pas "connaitre" à la fois la position et l'impulsion. De cette non commutation, ou non-commutativité, surgit à l'instant une autre logique en totale rupture avec l'ancienne que nous mettrons des décennies à comprendre vraiment. Car, par le calcul statistique, l'approche probabiliste nous apporte des valeurs aux grandeurs à mesurer. Ainsi, la mécanique quantique devient-elle probabiliste et indéterministe mais nous ne prenons pas la peine d'ajouter : selon notre conception "classique" du monde (implicitement relié aux lois et modèles physiques non quantiques).
Pourtant, dés le départ, il est clair que le déterminisme de l'évolution de l'équation de la fonction d'onde d'une particule (telle que décrite par Schrödinger) est claire. En revanche, il est incompris et combattu. Personne ne semble se résoudre à accepter qu'une discontinuité vient d'être mise en évidence : un saut, une rupture.

Heisenberg met en évidence une autre inégalité concernant cette fois-ci le temps et l'énergie d'une particule : ∆E.∆t ≥ constante. Elle signifie que lorsqu'on veut mesurer dans un certain temps t, l'énergie E d'une particule, on se heurte à la même indétermination qu'entre sa position et son impulsion.

A la limite, ces inégalités sont une porte sur une autre réalité non soumise aux lois quantiques en vigueur : ainsi, tout parait possible derrière cette porte mais tout se passe à l'insu de notre saisie : rien n'est mesurable, observable, tout est "virtuel".
Echanger une très grande quantité d'énergie pendant un temps très court est possible : il est possible de violer le principe de conservation de l'énergie pendant un temps infiniment bref. Comme l'énergie est aussi de la masse, derrière cette "porte" fluctuent sans cesse des échanges particules/anti-particules de toutes natures et de toutes masses (même des micro trous noirs !)
Il est même envisagé que en-deçà de cette porte, les déplacements, les vitesses soient possiblement d'une autre "nature".

Cette porte ouvre sur ce que les physiciens nomment le "vide quantique". Et nous l'avons déjà compris, ce "vide" là n'a strictement rien à voir avec le "néant" : ce vide là est plein d'une énergie vertigineusement grande, empli de potentialités et non de réalités mesurables. Ce vide nous apparaît comme une fluctuation, une vibration élémentaire, génératrice de tous les échanges possibles dans notre réalité saisissable. Des expériences très réelles prouvent l'existence de ce vide quantique bien entendu : force de Casimir, Décalage de Lamb, Effet Unruh.. Ce concept n'est pas une élucubration de physicien !

En fait, pour bien comprendre ce concept de "vide quantique", il faut l'imaginer comme le fond vibrant du décor (l'accessible ultime), là où tout est, très certainement, d'où tout devient. B. Nicolescu parle même de tout l'univers en potentiel : il rejoint là aussi le concept plus philosophique de "son" sujet transdisciplinaire. "Si on comprend par le mot réalité tout ce qui résiste, celle réalité là, elle résiste. Elle peut être mesurée, traduite en termes de conséquences physiques : on a mesuré les conséquences des fluctuations quantiques… donc c'est ce qu'il y a de plus "réel" dans ce monde… mais simplement c'est un réel beaucoup plus large que celui imaginé par la pensée classique, par la physique classique. Une réalité qui, il faut bien le dire, inclut l'abstraction comme une dimension de la réalité.."

En fait, la réalité "ultime" est là : derrière le voile de notre saisie. Elle est bouillonnante, sans aucun néant, sans aucun "trou", fluctuation incessante, tout apparaît, tout disparaît, dans un enchevêtrement d'énergie et de masse, dans un ballet tumultueux et harmonieux.

Le vide est plein !

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